Rob Spiro, Fondateur et Directeur d'Imagination Machine
Regards

Rob Spiro, Fondateur et Directeur d'Imagination Machine

Rob est ce qu’on appelle un serial entrepreneur. Après une première vie marquée par des belles réussites entrepreneuriales aux Etats-Unis et un passage chez Google, il a posé ses valises, sa créativité et son énergie à Nantes, où il fonde Imagination Machine. Imagination Machine c’est un startup studio, à impact positif, qui a donné naissance à des entreprises comme Jho, les Mini-Mondes ou encore Il Était Plusieurs Fois. Trois exemples parmi d’autres de belles réussites en cours.

C’est quoi pour toi une Belle Boîte ?

C’est rigolo parce que pour moi en tant qu’américain, je ne comprends pas vraiment le mot boîte, j’imagine que c’est une entreprise mais pour moi une entreprise c’est un style d’organisation mais il y a d’autres styles d’organisations comme les ONG, les écoles, les fonctions publiques qui sont toutes des belles organisations. Pour moi décrire une belle organisation ce n’est pas si différent si on est une entreprise ou une organisation qui n’a pas de but lucratif, ni d’être rentable. C’est une organisation de femmes et d’hommes, qui crée de la valeur, pour les gens impliqués, les salariés, les clients, pour tout ce qui est touché par cette organisation et qui essaye de rendre la vie des gens meilleure grâce à cette association.

Dans ton parcours tu as créés des entreprises aux Etats-Unis, pas forcément avec l’objectif principal d’avoir cet impact positif immédiat alors qu’aujourd’hui c’est au cœur d’Imagination Machine, comment s’est faite cette transition ?

"Dans l’univers de l’innovation, on commence souvent avec des questions : comment on peut améliorer cette chose qui existe déjà parce que ce n’est pas suffisamment bénéfique pour les utilisateurs ou pour les gens autour, soit parce que ça fait du mal à la planète ou aux hommes. Et on essaye de trouver des nouvelles choses."

Ma première startup était un moteur de recherche. On s’est dit : on pose une question à Google et on a une réponse la plupart du temps mais cette réponse est statique et froide, c’est du texte, un lien en bleu sur une page. Avant internet on avait une façon de trouver l’information dans les conversations entre humain. Et souvent ces conversations sont beaucoup plus riches, et nous apportent plus que l’information qu’on cherche. Et on s’est demandé si on pouvait utiliser les outils informatiques pour créer un service qui aide les gens à chercher une information conversationnellement, socialement. Ça n’avait pas d’impact positif dans le sens atteindre les ODD de l’ONU, mais c’était une vision sociale et humaine du monde, pour dire est-ce qu’on peut faire mieux que ces outils informatiques où on a perdu le côté social.

Toi qui est passé par Google (Rob a travaillé à la création de Hang Out, aujourd’hui Google Meet) quelles différences vois-tu entre grand groupe et jeune pousse ?

C’est intéressant et les défis au sein d’un grand groupe et même d’une PME qui roule bien, sont complètement différents du défi qu’on a en tant qu’entrepreneur. Dans une entreprise établie, on est là comme gestionnaire de quelque chose qui existe et on essaye de piloter un produit ou un service qui est déjà sur le marché et il y a pleins d’enjeux sur comment améliorer cette survie, faire face à la concurrence, accélérer les ventes. Les défis pour une startup sont complètement différents parce qu’on commence à 0. Donc le défi ce n’est pas comment je pilote cette voiture en mouvement, c’est comment je peux créer une voiture même si je n’ai pas toutes les pièces et je ne suis pas mécanicien.

C’est difficile de comparer les deux expériences parce que les défis sont complètement différents. Après ça reste dans les deux cas, une association d’être humain qui essaye de mener un projet.

 En ce moment on voit un fort engouement pour les startups technologiques « tech for good » mais comment on met du « good in tech » ?

 Il y a deux choses. La première c’est l’entreprise qui veut faire du bien, qui se demande comment prendre soin de ses collaborateurs, des communautés locales, de ses clients, de la planète et ce n’est pas forcément lié à ses produits ou services.

La seconde façon de penser à un impact positif c’est comment on peut créer un produit ou un service qui lui-même prône le meilleur. Et dans ce cas, l’idée d’accélérer, de devenir immense, est complètement aligné avec l’impact positif qu’on a. Plus on grandit, plus l’impact est important.

J’aime bien cette expression d’entreprise qui veut faire du bien, elle résume assez la base de la réflexion autour de Belle boîte. C’est une expression plus simple à comprendre qu’entreprise à impact ou transition sociétale qui peuvent faire peur. Non ?

Je pense que c’est abordable comme sujet, c’est facile de commencer. Et même si on est fabriquant de quelque chose qui consomme plein de carbone, ou un autre exemple, un fabriquant d’une alimentation qui n’est pas saine, on peut se dire : on a des salariés, des collaborateurs, comment je peux les aider eux, à se sentir bien, à être épanoui dans leur vie personnelle et aussi professionnelle, c’est une première question.

La deuxième question c’est comment on peut réduire l’impact négatif de nos activités industrielles ?

Et troisième question, comment on peut transformer nos produits ou services pour qu’ils soient eux même bénéfiques pour notre planète et pour le consommateur.

C’est facile de commencer avec la première question, même si la dernière question fait peur car ce n’est pas évident de le faire.

Vous chez Imagination Machine vous commencez par la dernière question, en disant directement qu’est-ce qu’on peut imaginer qui fait du bien et les modèles vont forcément avec ?

Exactement. On cherche des alignements entre une opportunité business où les gens cherchent à résoudre une problématique, où on a une solution qui peut être rentable grâce aux technologies ou aux innovations et à la fois des opportunités, qui peuvent avoir de l’impact pour remplacer quelque chose qui a peut-être un impact nocif par quelque chose qui a un impact positif.

Avec ta double culture, tu vois une différence de perception entre le rôle de l’entreprise tel qu’on peut le voir en France et aux Etats-Unis, le rôle et peut être même le modèle d’entreprise ?

Dans les deux pays, il y a un imaginaire de l’entreprise qui prend soin des gens, paternaliste et plein de gens pensent que c’est dommage que les entreprises ne soient plus comme ça, comme dans le passé. On a le même discours dans les deux pays, en France c’est plus vrai, il y avait vraiment des entreprises comme ça, et il y en a toujours. Aux États-Unis, c’était peut-être comme ça dans le passé mais ça n’existe plus vraiment.

Sur l’émergence de nouveaux modèles d’entreprise, vois-tu des différences entre la France et les Etats-Unis ?

En vrai les choses sont assez similaires, le changement et la vitesse de changement sont plus rapide aux Etats-Unis, quand il y a quelque chose qui marche, le changement peut être rude et abrupt. En France, il y une façon ancienne école de faire les choses dans l’industrie qui continue à exister avec peut-être un changement plus lent. Il y a du bien et du mal dans ça, c’est-à-dire, pour le modèle américain où les choses changent plus vite, ça créé plus de valeur économique et de valeur financière. En France, on garde l’ancien modèle plus longtemps pour le bien aussi : le côté paternaliste et protecteur, ça valorise l’humain et le relationnel. C’est peut-être moins efficace financièrement mais humainement je trouve qu’il y a des valeurs, en France c’est plus mesuré dans le changement même s’il y a des coûts.

Comment vous arrivez aujourd’hui chez Imagination Machine à créer et accompagner des entreprises en tenant compte de tout ça ?

On essaye de créer les entreprises qui attirent les meilleures équipes et donc il faut avoir des politiques d’entreprise attirantes.

"On utilise le modèle d’une équipe de sport. Le manager dans une boîte Imagination Machine ne donne pas d’ordre mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui fait confiance et ne fait rien. Il essaye de tirer le meilleur de ses équipes, les aident à devenir de meilleurs joueurs et à résoudre des problématiques."

Dans une équipe de sport, il y a cette notion de protection, parce qu’on est une même équipe, on a les mêmes adjectifs, si on gagne, on gagne ensemble, mais s’il y a un joueur qui ne partage pas l’esprit ou qui n’est pas au niveau, il ne reste pas dans l’équipe. On est protecteur mais aussi dans le but de haute performance, on essaye de prendre soin de nos collaborateurs avec cette idée que l’on gagne ensemble.

Il y a aussi la flexibilité au travail, la politique de salaire juste et transparente. Le but étant de créer un environnement où tout le monde peut devenir la meilleure version d’elle-même dans leur métier.

L'équipe Imagination Machine

Pour terminer, qu’est-ce que tu vois comme enjeu majeur pour les entreprises de demain ?

La partie impact positif et RSE c’est quelque chose que l’on commence tous à faire, mais ça va devenir obligatoire pour les entreprises dans les prochaines années.

Nous sommes dans un marché du recrutement qui est de plus en plus concurrentiel et les entreprises doivent s’adapter pour attirer les talents : offrir de la flexibilité, avoir un vrai respect pour la vie personnelle, créer un environnement et une culture du management où la voix de tout le monde est valorisée. Ce sont des sujets qui peuvent être considérés comme mineurs mais qui sont en fait très stratégiques.

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