Mathieu Desfrene, directeur général pays de la loire BPI France
Regards

Mathieu Desfrene, directeur général pays de la loire BPI France

Rencontre avec Mathieu Defresne, directeur régional Pays de la Loire de BPI France. La BPI bénéficie d’un poste d’observation privilégié pour observer les évolutions de toutes les entreprises : les plus grosses, les ETI, les startups, les artisans. La rencontre avec son directeur Pays de la Loire fût l’occasion de voir comment la banque publique d’investissement accompagne aujourd'hui les entreprises à faire face à de nouveaux enjeux, à piloter dans cette période d’incertitude.

Question d’introduction obligatoire : c’est quoi pour vous une Belle Boîte ?

Si on se réfère au monde de la banque dans lequel on évolue, assez spontanément une Belle Boîte est liée à ses performances financières, son chiffre d’affaires, sa rentabilité, mais de plus en plus depuis quelques années on parle de performances extra financière avec énormément de sujets qui entrent en ligne de compte : RSE, capital humain, marque employeur, international etc. C’est aussi, à mes yeux, la capacité d’une entreprise à se développer, à croitre dans un écosystème : en allant conquérir de nouveaux marchés, la capacité à innover. Il y a aussi la capacité à anticiper les évolutions du marché et à répondre, voire devancer les besoins des clients.

La question aujourd’hui est de savoir ce qu’est la croissance dans un monde aux ressources limitées. Est-ce que vous avez ces réflexions en interne, et vous voyez des évolutions sur des perceptions de croissance, de développement ou de performance ?

Nous sommes dans un marché mondial, certes la pandémie a calmé les ardeurs des exportateurs, pour autant on a la chance d’avoir des entreprises qui se développent à l’international. Cette période a aussi accéléré toutes les transitions des entreprises, à commencer par la transition numérique, qui leur permet de toucher des clients et donc de croître plus facilement ou plus vite.

 

Dans votre poste d’observateur, vous avez un panel d’entreprise, de la petite à la grande boîte, y-a-t-il des sujets pour les grandes boîtes et d’autres pour les plus petites ?

Je pense que les problématiques sont communes pour toutes les entreprises :  leur capacité à mettre en œuvre les transitions  numérique et environnementale. Et tout ça passe par le capital humain.

C’est le dirigeant qui doit porter cette conviction mais ça doit embarquer toutes les équipes. Si la transition numérique est déjà opérée, l’enjeu aujourd’hui est d’accélérer sur la transition écologique.  Chaque entreprise est à un niveau d’avancement différent mais c’est aussi notre rôle de ne laisser personne sur le bord du chemin, et d’accompagner les entreprises qui ne sont pas encore impliquées. En interne ou en externe vis à vis des clients il va falloir montrer patte verte sur le plan commercial.

 

En matière de finance, l’extra financier s’impose de plus en plus. Comment voyez-vous cette évolution ?

Peut-on marier performance économique et RSE ? Je pense que les deux ne peuvent plus aller l’un sans l’autre. 

On accompagne et finance des entreprises dans leur projet d’investissement parfois sur du long terme, et, en tant que banque, on est plus rassuré par une entreprise qui a initié cette démarche. Aussi, on finance beaucoup de croissance externe, et on s’aperçoit que les entreprises qui ont initié cette démarche sont plus valorisées qu’une entreprise sensiblement équivalente sur le même secteur et de même taille et qui n’aura pas amorcé ça. C’est concret et c’est une réalité de notre quotidien.

 

Dans votre bureau, je vois le coq vert et le coq bleu, il y a un mouvement pour redorer l’image de l’entreprise en ce moment ?

Au-delà de l’entreprise il y a plus précisément l’industrie. On valorise autant qu’on peut les entreprises et les créateurs, notre ambition c’est de doubler la création d’entreprise en France. Le coq bleu c’est la French Fab donc l’industrie, depuis plusieurs années il y avait un déclin et des images négatives de l’industrie, mais tout ce qu’on fait de manière collective contribue à redorer cette image, la rendre plus porteuse de sens et d’avenir dans la vision des jeunes diplômés.

 

Lancée en partenariat avec l'ADEME et le Ministère de la Transition Écologique, la communauté du coq vert a pour vocation de créer une émulation collective en faveur de la transition écologique

Avec le coq rouge de la French Tech, on a eu l’impression d’une économie très tournée vers l’idéal startup. Avec l’idée d’aller plus vite et de grandir vite, mais aussi une appétence grandissante pour l’entreprenariat. Et est-ce que cette période facilite l’émergence et le développement d’entreprise ?

Une de nos ambitions c’est de marier le coq bleu et le coq rouge : le Tech in Fab, c’est-à-dire mettre en relation et marier des entreprises industrielles avec des startups de la Tech qui sont capables de s’alimenter mutuellement et d’être complémentaires.

Il y a une vraie accélération depuis la pandémie et une force de frappe financière pour accompagner des projets ambitieux, qui est historique, à mon sens. Ça augure des créations d’entreprise et c’est exactement ce dont on a besoin pour créer les champions de demain.

 

Dans le monde de l’artisanat et des petites boîtes, il n’y a pas de couleur de coq ?

Non mais des acteurs locaux réfléchissent à un coq BTP, dans l’esprit de fédérer les acteurs qui partagent les mêmes problématiques au quotidien. Tout ça est vertueux et je crois beaucoup à cette dynamique et à la capacité d’accompagnement des partenaires et de l’écosystème.

 

A la BPI aujourd’hui, en tant qu’entreprise à part entière, comment vous vous transformez ? La transition environnementale commence avec le financement ?

On s’applique à nous même les grands principes qu’on essaye de diffuser : on revoit toutes nos flottes de véhicules, on audite tous nos bâtiments, nos consommations, notre pollution numérique. Ce sont des choses basiques mais à l’échelle d’une banque nationale comme la nôtre, ça a un impact très fort. Concernant la marque employeur, le secteur de la banque a du mal à recruter, et ça peut être un élément différenciant dans les relations qu’on a avec nos recrutés et jeunes diplômés. Quand on s’appelle banque du climat, on ne peut pas être à la traîne.

De plus, on a des outils de financement vert : des taux bonifiés pour inciter à aller plus loin dans la démarche environnementale. A l’échelle de BPI France pour cette première année du plan climat, c’est un milliard de prêt vert.

 

Pour conclure, quelle serait une Belle Boîte pour vous demain ?

Je pense que les fondamentaux seront les mêmes et le critère numéro un, au-delà du financier et de l’environnemental, c’est le capital humain. C’est la capacité du dirigeant à définir sa stratégie, dans un contexte national voire international qui est mouvant, et embarquer avec lui ses collaborateurs, son équipe, ses salariés. C’est le cas aujourd’hui et ça le sera aussi dans 10 ans.

 

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